Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Hier, la Commission sur le développement du territoire, l’habitation et l’environnement (CDTHE) a recommandé la Politique des rues conviviales de Gatineau pour adoption au conseil municipal, après que celle-ci fut aussi recommandée par la Commission sur les transports, les déplacements durables et la sécurité (CTDDS) le 25 août dernier.

Nous félicitons la Ville de Gatineau pour l’élaboration de cette politique dont nous approuvons bien évidemment la vision et les objectifs. 

La nouvelle hiérarchie des modes a le pouvoir de transformer notre ville et d’améliorer le bien-être des citoyens en faisant de nos rues des espaces publics à échelle humaine. En effet, celle-ci priorise la marche, le vélo et le transport en commun avant la voiture individuelle, et ce dans une optique d’accessibilité universelle. Elle recentre donc l’aménagement de la rue sur les personnes qui l’utilisent plutôt que les véhiculesqui l’empruntent.

Deux approches de conception des rues

Action vélo Outaouais a suivi de près l’élaboration de la Politique des rues conviviales et l’a commentée à plusieurs reprises, notamment à travers la CTDDS dont elle est membre. Nous avions d’ailleurs soulevé, dans des lettres envoyées à la Commission en mai 2020 et mai 2021, plusieurs points que nous présentons à nouveau ci-dessous.

Les types de rues et leurs aménagements

Nous sommes particulièrement heureux de voir des pistes cyclables hors chaussée retenues pour les rues collectrices (type 8), les boulevards communautaires (type 9), les boulevards économiques (type 10), les promenades (type 11) et les axes de transport structurants (type 12).

Type 8A – Rue collectrice

En plus d’embellir nos quartiers, les pistes cyclables hors chaussée favorisent la sécurité des cyclistes, peu importe leur âge et leur niveau d’expérience. En fait, les pistes cyclables protégées améliorent la sécurité de tous, incluant les piétons et les automobilistes. (1)

Les rues partagées ont aussi leur place dans la Politique (type 2), et les cyclistes y auront la priorité sur les véhicules.

Toutefois, Action vélo Outaouais a émis et continue d’avoir quelques réserves par rapport à certains aménagements figurant dans la Politique.

Chaussées désignées

Des chaussées désignées sont présentes dans les rues locales de quartier (type 4) et les rues de quartier à sens unique (type 5B).

Type 4 – Rue locale de quartier

Cet aménagement a l’avantage de légitimer la place des cyclistes au centre de la chaussée afin d’éviter les risques d’emportiérage. Cela dit, la littérature démontre que la chaussée désignée ne peut être considérée comme un aménagement cyclable et que son utilisation doit être limitée à des rues où le débit de circulation et le différentiel de vitesse entre l’automobiliste et le cycliste sont très faibles.

Vélo Québec définit plus précisément les conditions d’implantation de la chaussée désignée. En ce qui concerne le débit véhiculaire, il s’agit d’un maximum de 1 000 véhicules par jour selon la norme québécoise actuelle, mais de 500 véhicules par jour selon les meilleures pratiques. (2)

Or, les types de rues de type 4 et 5B peuvent recevoir jusqu’à 1 500 et 2 000 véhicules par jour, respectivement .

Nous ne pensons donc pas que des chaussées désignées soient appropriées ou sécuritaires pour ces types de rues, à moins que le débit véhiculaire soit de moins de 1 000 véhicules par jour et que la vitesse soit abaissée à 30 km/h, ce qui serait conforme aux meilleures pratiques.

D’ailleurs, la Politique des rues conviviales note que le concept de vélorue pourrait être une alternative si le débit journalier et la limite de vitesse véhiculaire sont faibles. En effet, puisque les automobilistes ne peuvent pas y dépasser les cyclistes, ces derniers se sentent généralement plus en sécurité sur une vélorue que sur une simple chaussée désignée.

Type 5B – Rue de quartier à sens unique

Bandes cyclables

Les rues d’emplois (type 6) et les connecteurs de quartier (type 7A) sont dotées de bandes cyclables non protégées, une installation pratique et rapide, mais pas toujours appropriée. En effet, si la peinture est efficace pour délimiter une zone cyclable, elle ne protège pas les cyclistes en cas de collision. Une étude australienne montre que les bandes de peinture donnent un faux sentiment de sécurité aux cyclistes, font diminuer la distance de dépassement et n’améliorent pas la sécurité routière.  (3)

Pourtant, dans le cas de la rue d’emplois (type 6), où l’on retrouve des industries et une proportion plus importante de véhicules lourds, la Politique indique que « les infrastructures destinées aux modes actifs doivent comporter un certain niveau de protection, notamment à cause des camions. » Comme ce type de rue prévoit un débit de 3 000 véhicules par jour à 50 km/h et que les poids lourds sont responsables d’un décès de cycliste sur trois, une protection physique s’impose si l’on souhaite faire de nouveaux adeptes du vélo-boulot dans ces zones.

Type 6 – Rue d’emplois

Dans le cas du type 7A (connecteur de quartier), l’une des bandes cyclables se retrouve dans la zone d’emportiérage en raison de la présence de stationnements sur rue. L’emportiérage est un des principaux risques auxquels font face les cyclistes, et les enfants et les personnes moins expérimentées y sont particulièrement exposées. La littérature suggère en effet que les cyclistes vont avoir tendance à rouler au centre ou à droite de la bande cyclable. Même avec une largeur de 1,8 mètre, ils se retrouvent dans la zone de danger. (4)

Type 7A – Connecteur de quartier avec bandes cyclables

La peinture n’est donc pas suffisante dans ce type de rues. De tels aménagements reposent trop largement sur le comportement des conducteurs alors que ces derniers sont faillibles. Nous recommandons fortement l’ajout de bordures de béton, ou bien l’aménagement de pistes cyclables unidirectionnelles surélevées, comme dans le type 7C.

Ceci serait conforme au guide de Vélo Québec qui stipule que « sur de nouvelles rues ou lors d’une réfection majeure d’une rue existante, on n’aménagera pas des bandes cyclables mais plutôt des pistes cyclables unidirectionnelles surélevées par rapport à la chaussée. » (5)

L’entretien des aménagements cyclables

En mai 2020, nous avions soulevé l’absence de mention du déneigement des aménagements cyclables.

Nous saluons que le deuxième principe d’aménagement de la Politique, soit « développer un réseau cyclable et de déplacements actifs universel, accueillant, connecté et sécuritaire », mentionne l’importance d’aménager un réseau cyclable qui peut être déneigé.

Cela dit, on ne devrait jamais mettre en opposition la protection physique des aménagements cyclables et leur entretien hivernal. Nous encourageons la Ville de Gatineau à acquérir l’expertise et l’équipement qui permettront le déneigement des pistes cyclables protégées sur chaussée indépendamment du reste de la chaussée et du trottoir, tel que recommandé par Vélo Québec. En ce sens, Gatineau pourrait s’inspirer des techniques adoptées par la Ville de Montréal.

Vers une stratégie Vision Zéro

Nous applaudissons particulièrement les aménagements qui permettront de réduire la vitesse des véhicules motorisés, non par la signalisation, mais par la conception même des rues, en accord avec les principes de la Vision Zéro. La réduction des largeurs minimales des voies proposée par Madame Marquis-Bissonnette lors de la CDTHE va dans le bon sens.

De plus, nous saluons l’importance accordée aux intersections, qui sont bien souvent les maillons faibles du réseau cyclable. Celles-ci font l’objet du dixième principe d’aménagement, soit « améliorer la sécurité de la mobilité active aux intersections ». Nous avons particulièrement hâte de voir les premières intersections protégées apparaître à Gatineau.

Intersection entre un boulevard communautaire et une rue collectrice

Action vélo Outaouais souhaite également voir la limitation de vitesse abaissée à 30 km/h dans les rues locales actuellement limitées à 40 km/h. 

Probabilité de décès et vitesse d’impact (6)

En effet, cela permettrait de diviser par trois le risque de décès des piétons en cas de collision, qui passerait de 30 % à 10 %. Cela faciliterait également le partage de la route entre automobilistes et cyclistes en réduisant le différentiel de vitesse. Cela augmenterait le sentiment de sécurité des piétons et cyclistes et favoriserait l’utilisation des modes actifs pour aller au travail ou à l’école ou faire des emplettes.

Cette mesure pourrait faire partie de la stratégie Vision Zéro que nous souhaitons d’ailleurs vivement voir adoptée prochainement par la Ville de Gatineau.

En conclusion

Avec l’adoption de la Politique des rues conviviales, la Ville de Gatineau ferait un grand pas en faveur de la mobilité durable. 

Toutefois, si elle veut convaincre la population d’utiliser le transport actif pour se déplacer et atteindre les objectifs du Plan climat (notamment les cibles de réduction des GES d’ici 2030 et 2050), la municipalité devra consacrer un budget suffisant à la conversion des rues actuelles, puisque la grande majorité du territoire est déjà bâtie.

De notre côté, nous serons heureux de contribuer à la conception des prochaines rues et au réaménagement des rues existantes en collaboration avec les services et les élus municipaux.

 

Consultez la Politique des rues conviviales de Gatineau

 

Sources :

(1) Streetsblog, Separated Bike Lanes Means Safer Streets, Study Says, 29 mai 2019.
(2) Vélo Québec, Chaussée désignée.
(3) Forbes, Painted White Lines Are Not Cyclist-Protecting Forcefields, Agree Experts, 16 avril 2019.
(4) Transportation Research Board, NCHRP Report 766, Recommended Bicycle Lane Widths for Various Roadway Characteristics.
(5) Vélo Québec, Aménager pour les piétons et les cyclistes, Guide technique.
(6) Organisation mondiale de la santé, Speed Management, page 5.

Leave a comment